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Le bus partant de Johanessburg ne peut nous emmener que jusqu'à la ville de Bushbuckbridge, capitale de la région. Il semble que nous soyons les seules petites têtes blanches à plusieurs kilomètres à la ronde et les locaux commencent à se demander ce que l'on vient faire ici. Du moins jusqu'à ce que Phil arrive. Hyper relax, avec toujours une blague sur le bout de la langue, il sera notre hôte pour les prochains jours et il semble déterminé à nous faire passer un agréable séjour. Nous montons dans sa voiture et quittons la ville pour encore deux heures de route.

Au Nord-Est de l'Afrique du Sud, à 50km de la fontière du Mozambique, se trouve Hluvukani, un village plutôt gros, entouré de réserves animalières et de savanne aride.

Plus nous nous approchons de Hluvukani, plus nous sommes frappés par la vue d'habitations étalées sur des kilomètres sans réel centre ville ou zone commerciale. Des maisons par milliers dispersées dans la nature, pour la plupart encore en chantier ou à l'arrêt, comme le soulignent les tas briques et de sables devant chacune d'elles. C'est un endroit loin de tout, très rural. Quand nous l'interrogeons sur la quantité astronomique de nid-de-poules, notre nouvel ami nous confie que le rapport du gouvernement n'en mentionne aucun dans cette zone. Un rapport similaire affirme aussi que l'eau courante à domicile est disponible, alors que ceci est absolument faux. Apparemment, les poiliticiens locaux ne se donnent même plus la peine de venir se justifier de quoique ce soit. Phil nous dresse le portrait d'une région laissée pour compte avec ses nombreux challenges. Et bien, allons voir ce qu'il en est par nous- mêmes.

Ann, Présidente de Kids Global Network

 

Nous nous retrouvons donc à plus de 800km de notre voilier pour soutenir Kids Global Network sur un projet de réhabilitation d'une bibliothèque dans l'école primaire de Khahlela. Cela peut vous paraître curieux, mais à ce moment-là, nous n'avons aucune idée des challenges de cette école, de ses élèves et de ses professeurs. Connaissant depuis longtemps Ann, la présidente de Kids Global Network, nous sommes venus donner un coup de main car nous faisons confiance en son jugement. C'est en effet comme ça que ça marche, on fait d'abord confiance à des gens .
Bref, nous sommes disponibles, motivés et bien décidés à comprendre ces villageois et leurs problématiques.

Seule la route principale est goudronnée à Hluvukani. Pour rejoindre l'école primaire de Khahlela, nous roulons à peine 500m  sur une piste de sable et après deux virages, nous arrivons sur un grand terrain, long de peut-être 150m, délimité par une clôture faisant mine de protéger un vieux batiment en béton et 7 classes préfabriquées qui occupent à peine un tiers de l'espace disponible. Dans le fond, surélévé, on remarque immédiatement un réservoir d'eau vert, nous rappelant cette sécheresse qui touche durement cette région depuis les trois dernières années. Il est 7h30 et le soleil frappe déjà très fort sur cette terre battue où seul un vieil arbre au fond du terrain donne de l'ombre.

 

Maniki, Principale de l'école primaire Khahlela

 La sonnerie appelle avec autorité tous les enfants à s'aligner derrière le batiment principal. Maniki, Principal de l'école, nous introduit tous les cinq aux professeurs et aux élèves en ce premier jour de la rentrée des classes 2018. Ann, Présidente de KGN, Marie, Julia, deux amies venues l'épauler, Chmoine et Téo. Les dames seront appelées Granny. Pour Chmoine et Téo, ce sera Uncle. Les enfants, âgés de 5 à 13 ans, nous souhaitent la bienvenue avec de joyeux chants gospels. Nous comprenons vite que l'engagement de la majeure partie de la population dans l'église a définitivement développer leurs aptitudes aux chants. Quelque soit la diversité de l'église et de la religion pratiquée. Après quelques chansons, tout le monde rejoint sa classe. Des souvenirs bien enfouis ressurgissent... C'était il y a bien longtemps déjà.

 

Maniki nous présente aux éléèves et professeurs de l'école

 

Comme ces gamins qui commencent l'école, nous débutons l'évaluation des besoins pour la confection d'une bibliothèque à partir d'un préfabriqué délapidé disponible, qui deviendra bientôt un des piliers de l'éducation de ces enfants. Nous échangeons beaucoup avec les professeurs, avec le principal et avec Victor, l'entrepreneur du village. Petit à petit, nous obtenons une vision globale du projet et un plan d'action est mis sur pied.

Notre opinion était déjà faite, et une fois de plus cela s'est avéré vrai: quand un projet est partagé, quand deux personnes avec des origines et des cultures différentes travaillent ensemble sur une même problématique, la chance que chacun se connecte et se comprenne est décuplée. On apprend rapidement les façons de penser, les valeurs et les peurs de chacun, et cela ouvre les portes à l'amitié. C'est exactement ce qu'il s'est passé.

Victor et Chmoine célèbre la pause de l'élétricité

De son côté, Ann nous a présenté une très belle façon de booster les échanges culturels: le "photo voice". Un groupe de personnes est choisi (ici les professeurs). Chacun reçoit un appareil photo compact. Ils sont ensuite formés à utiliser ces appareils et chacun a pour mission, jusqu'au lendemain, de prendre des photos de n'importe quel moment de leur vie. Le jour suivant, tout le monde se retrouve dans une classe où 10 thématiques sont inscrites au tableau. Les professeurs sont invités à présenter une ou deux photos pour tenter d'illustrer un thème de leur choix. Il faut un certain courage pour prendre la parole devant tout le monde mais ce qui en ressort en vaut la peine. Les sujets abordés sont bien plus profonds qu'espérer.

Formation des enseignants

 

 

Merciful, enseignante au CP. Thématiques: "développement personnel" et "challenge de la vie". 

 

Photo de Merciful: des élèves à la pause déjeuner

Merciful s'attaque au sujet de l'immigration. Elle explique que la région reçoit beaucoup de clandestins venant du Mozambique. Sans papier, ces personnes n'ont pas accès au marché de l'emploi, et pour la plupart, vivent dans des conditions de pauvreté extrême. Pour leurs enfants, l'école est donc extrèmement importante. C'est d'abord la garantie d'avoir un repas décent au moins une fois par jour, mais aussi l'approche nécessaire pour avoir une source de motivation et d'espoir dans leur vie. Un peu provocatrice, elle ajoute: "nous voulons tous partir en France, ici!". Voici un exemple de motivation qui peut changer la vie d'une personne.

 

Olga, enseignante en CM2. Thématiques: "les défis d'enseigner". 

 

Photo de Olga: des élèves lèvent la main

"Sans livre, sans ordinateur, sans réel exemple, il est très difficile d'attirer l'attention de ces enfants."
Olga nous partage que les élèves écoutent ce que le professeur leur dit comme si ils écoutaient une hisoire, c'est-à-dire sans en distinguer la réalité. Il leur faut plus de support pour apprendre mieux. Aujourd'hui, ils sont trop loin du monde contemporain.

 

Gift, enseignante en 5ème et 4ème. Thèmatiques: "les défis d'enseigner". 

 

Photo de Gift: une enseignante bénévole écrit au tableau

Gift nous explique que la femme sur cette photo est une enseignante bénévole. Apportant son aide malgré le manque de budget. En fait, le gouvernement alloue un budget à chaque école en fonction de la région et du nombre d'élèves. Khahlela n'en dispose que de 250, ce qui est faible pour la région, et donc est désavantagée par rapport aux écoles plus grandes.
Par la suite, elle nous parle des deux smartboards installés dans les classes. Ces équipements pédagogiques ont été financés par le gouvernement mais ne fonctionnent plus et personne n'est disponible pour venir les réparer. Elle dénonce les inégalités de service fourni par le gouvernement. Dans d'autres régions, proches les grandes villes, les ressources sont plus grandes et les services bien meilleurs. Cela crée une différence de développement entre les écoles elles-mêmes.
"Depuis la fin de l'apartheid, les écarts ne se sont pas réduits du tout. Il y a toujours des écoles avantagées et d'autres désavantagées."

 

Chmoine a réparé le smartphone et forme Gift à son utilisation

 

Ces femmes se sont levées pour nous présenter les photos qu'elles ont choisi de prendre avec ce petit appareil photo, et pour la plupart, c'était une première. Les thématiques sur le tableau ont naturellement fait surgir des sujets très critiques et de réels messages qu'elles ont pu partager avec nous. En seulement deux jours, le photo voice leur a donné l'opportunité de parler de ce qu'elles avaient vraiment sur le coeur.

Sur cette base, le reste de la réhabilitation de la bibliothèque s'est déroulé tranquillement, travaillant la main dans la main avec l'équipe de l'école Khahlela, et en partageant les repas typiques lors du déjeuner. C'est quoi le repas typique? Il contient toujours du pop, une mixture de maïs à mi-chemin entre le riz et le pain qui ne se mange qu'avec la traditionnelle fourchette africaine: ta main!

La touche finale sur la façade de la bibliothèque
Victor , partenaire sur le chantier , dans la bibliothèque
Sortie des matériaux inutiles de la bibliothèque
Avant/Après vue de l'intérieur
Avant/Après vue de l'extérieur
Téo mange le pop
Une marmite de pop de la cantine

Deux semaines ont passé, et en fin de compte, on ne peut pas savoir qui est le plus reconnaissant dans cette histoire. Ann de Kids Global Network, nous-mêmes comme bénévoles, ou les enfants de l'école qui vont bénéficier de leur nouvelle bibliothèque. Difficile à dire. Je suppose qu'on peut seulement être reconnaissant de voir son rêve se réalisait, que le rêve soit de soutenir un projet ou d'en profiter. Ce qui compte c'est le lien créé entre les gens, cette connexion qui fait que tout est possible et qui permettrait probablement aux éléves de l'école primaire de Khahlela d'avoir un meilleur futur.

Deux élèves et un livre sur le climat
Maniki et les élèves remplissent la bibliothèque de livre et commencent à lire

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